Hors les murs, une aventure collective

Le programme Hors les murs de la maison de la culture de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension crée des rencontres culturelles avec les citoyens en proposant des expositions, des spectacles, des événements et des activités de médiation culturelle en dehors des lieux de diffusion traditionnels. À l’instar d’une toile culturelle finement tissée, Hors les murs va vers les citoyens et leur offre l’occasion de se familiariser avec la culture sous toutes ses formes. L’équipe de la maison de la culture a décidé de réaliser un bilan des activités de médiation culturelle développées dans le cadre de ce programme, à l’occasion de ses dix premières années d’existence.

Se définir par la diversité : l’arrondissement de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension

Deuxième arrondissement le plus peuplé de Montréal, Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension est une étonnante mosaïque de quelque 80 communautés culturelles : 43 % de sa population est issue de l’immigration, et on y dénombre une quarantaine de langues maternelles autres que le français ou l’anglais.

Fragmenté par l’autoroute métropolitaine et par la voie ferrée, l’arrondissement Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension est divisé en zones aux populations et aux réalités très différentes. Le quartier Villeray se définit par une majorité francophone, une importante population italienne et, plus récemment, une communauté latino-américaine bien présente. Plus à l’est, une grande communauté haïtienne réside dans le quartier Saint-Michel. La rue Jean-Talon peut aussi compter sur une immigration maghrébine qui traverse l’arrondissement d’est en ouest. Enfin, le quartier Parc-Extension reçoit la majorité des immigrants récents de souche indo-pakistanaise, au côté d’une communauté grecque dont la majeure partie s’est installée à Montréal avant 1980.

Proposer une offre culturelle à une population aussi étendue et diversifiée relève d’un défi de taille. Sans compter le fait que l’arrondissement a dû également faire face à un manque criant d’installations culturelles. Difficile alors d’atteindre les populations les plus éloignées des salles de diffusion.

Décloisonner la culture : la naissance du programme Hors les murs

Au lieu de baisser les bras devant la complexité de la tâche, Martin Hurtubise, agent culturel de l’arrondissement, s’est servi de la diversité comme levier. Soutenus par l’arrondissement, et particulièrement par Mireille Cliche, lui et son équipe ont mis en place le programme culturel Hors les murs afin d’inscrire la présence de la culture sur l’ensemble du territoire de l’arrondissement : « C’est d’autant plus ardu que chaque communauté ayant une façon différente de voir la vie, elles tendent donc à se rassembler en ghetto », précise Martin Hurtubise.

Une vaste étude sur la médiation culturelle, « Les effets de la médiation culturelle : participation, expression, changement » lancée par le service de médiation culturelle de la Ville de Montréal et une équipe de chercheurs entre 2008 à 2014, a montré que la médiation culturelle a des effets importants sur l’insertion économique, sociale et culturelle des populations.

 

LES EFFETS DE LA MÉDIATION – Extrait de l’étude « Les effets de la médiation culturelle : participation, expression, changement »

Les progrès rapides du programme Hors les murs illustrent bien ces résultats : en seulement 4 mois, plus de 7 000 personnes ont été rejointes dans des endroits inusités de l’arrondissement, comme des centres locaux de services communautaires, des stations de métro, des ruelles, des habitations à loyer modique, etc. Puis, 25 organismes locaux ont emboîté le pas en offrant leur soutien et leur collaboration à l’un ou à l’autre des 42 premiers événements proposés. Avec un aussi bon départ, Hors les murs s’est rapidement imposé comme un programme essentiel pour le développement culturel de l’arrondissement.

Construit à force d’essais, d’erreurs, de réussites et de déceptions, le programme a rayonné, a pris de l’ampleur et s’est enraciné dans son milieu. La médiation culturelle est l’avenue prometteuse qui a été choisie pour infiltrer la culture dans l’ensemble du territoire et pour rejoindre les citoyens en allant à leur rencontre, près de chez eux. Des activités de médiation culturelle sont organisées partout sur le territoire de l’arrondissement afin d’accompagner la programmation régulière de la maison de la culture déjà réputée pour sa qualité et pour son sens de l’innovation.

Aujourd’hui, Hors les murs est devenu une alternative aux modes et aux méthodes de développement culturel plus traditionnels. Il s’est façonné un cadre unique de pratique culturelle qui se compose et se renouvelle saison après saison en fonction des besoins exprimés par la population et par les changements qu’elle vit. Par exemple, pour répondre aux besoins d’une population de plus en plus jeune, Hors les murs a développé ces dernières années de nombreuses activités de médiation destinées aux enfants, avec la collaboration des écoles, des CPE, des camps de jour et des organismes communautaires de l’arrondissement. Durant l’été 2017, dans le cadre de l’exposition Éléments, qui présentait des œuvres d’Alice Jarry, Hannah Claus et Rosalie Dumont-Gagné, une partie de la salle a été transformée en studio de cinéma pour enfants. Les jeunes des camps de jour et des organismes communautaires de l’arrondissement ont pu jouer les rôles du réalisateur, du caméraman, du bruiteur ou du marionnettiste autour des grands thèmes soulevés dans les œuvres. D’ailleurs, de plus en plus d’artistes développent des spectacles destinés au jeune public. Ils trouvent alors dans le programme de résidence La Démarche une occasion rare de rencontrer ce public, de développer leur projet avec la collaboration des enfants et de tester leurs idées. L’artiste D. Kimm parle de cette expérience très enrichissante qui lui a permis de créer son premier spectacle pour jeune public dans une vidéo La Démarche.

Une formidable aventure collective

« Au lieu d’espérer mobiliser de grandes foules, je vise de plus petits groupes avec des actions mieux ciblées. »
— Martin Hurtubise.

Depuis sa création, le programme Hors les murs a permis de mettre sur pied un éventail de projets qui ont occupé divers lieux de l’arrondissement en leur offrant un éclairage nouveau. Par exemple, l’ancienne gare Jean-Talon a été mise en valeur par Le tableau des départs, une œuvre d’art numérique réalisée par l’artiste Daniel Canty, projetée à même les fenêtres du bâtiment patrimonial et réalisé en collaboration avec des élèves du Centre de francisation William-Hingston situé dans Parc-Extension. Dans le cadre du projet St-Michel, au-delà des clichés, les rues du sombre secteur Jean-Rivard sont devenues, le temps d’un été, un musée extérieur de photographies prises par les femmes du secteur. Les clichés exposés sur les lampadaires jetaient à la face du monde la fierté et l’attachement que ces dernières portent à leur quartier.

Chaque année, plus de 80 spectacles sont présentés, en plus des dizaines d’activités de médiation culturelle allant de la résidence d’artiste aux projets spontanés, en passant par les projets de médiation culturelle liés à la programmation régulière de la maison de la culture ou par les visites d’exposition.

En 10 ans, Hors les murs a mis sur pied et réalisé plus de 2000 activités de diffusion et de médiation culturelle, lesquelles ont rejoint près de 300 000 personnes dans pas moins de 44 lieux différents!