De Chinoises à Québécoises : la cyberculture au cœur des échanges

De Chinoises à Québécoises

@ Éric Dufresne-Arbique

La communauté chinoise compte parmi les plus anciennes populations immigrantes à Montréal. Pourtant, la culture chinoise reste méconnue et est la cible de nombreux préjugés. Afin de briser l’isolement de cette population encore peu intégrée à la société montréalaise, le Studio XX a développé un projet de médiation en partenariat avec le Service à la famille chinoise du Grand Montréal.

Les deux organismes ne pouvaient mieux faire que de confier la série d’ateliers issus de ce projet à Christine Brault, une artiste interdisciplinaire fascinée par la littérature et la culture chinoise. Depuis quelques années, l’artiste apprend même le mandarin, langue qu’elle a eu l’occasion d’utiliser lors d’une résidence d’artiste à Pékin et à Shanghai en mai 2008 et qu’elle pratique volontiers avec les Chinoises qui suivent ses cours de francisation. «Je me sens très proche de cette culture, explique Christine Brault. J’apprécie le côté peu matérialiste des Chinois, même si le boom industriel les transforme peu à peu en collectionneurs de gadgets! Par-dessus tout, j’admire leur sens de la communauté.»

Donnant-donnant
Au contact de cette culture, la démarche artistique de Christine Brault se trouve influencée par les arts traditionnels chinois comme la broderie ou la calligraphie ainsi que par les superstitions et les symboles incontournables que sont les dragons et les lanternes. C’est avant tout en se rendant perméable à l’Autre, un peu à la manière de l’ethnologue, qu’elle puise sa matière créatrice.

De Chinoises à Québécoises

De Chinoises à Québécoises @ Éric Dufresne-Arbique

Une œuvre performative, réalisée à Pékin et transposée récemment en une exposition photos, incarne à merveille sa posture. L’artiste se promenait dans les rues de la ville à l’intérieur d’une grande bulle rouge en forme de lanterne. «J’observais la réalité à distance. Je voulais ainsi symboliser la barrière un peu floue qui existe entre nos deux cultures. Mais comme il y avait des ouvertures dans ma bulle, les gens venaient parfois m’y rejoindre et faisaient un bout de chemin avec moi», raconte l’artiste en insistant sur l’ouverture et la curiosité des Chinois qu’elle a rencontrés à travers cette réalisation.

De Chinoises à Québécoises

@ Éric Dufresne-Arbique

L’œuvre de Christine Brault se nourrit de la culture chinoise, mais l’artiste cherche à tout prix à donner en retour. Pour compléter l’échange, elle met présentement sur pied le projet De Chinoises à Québécoises*, en collaboration avec le Studio XX, qui vise à initier les Montréalaises d’origine chinoise aux nouvelles technologies et à la cyberculture. Elle supervisera donc la création d’une page web, guidera les participantes vers les rudiments du montage sonore et participera à la mise en ligne d’un blogue qui pourra être lu jusqu’en Chine.

Devenir Québécoises
Le fait que ces ateliers soient destinés aux femmes n’est pas le fruit du hasard. Dans une société où la descendance masculine tient encore le haut du pavé et où la naissance d’un garçon est abondamment célébrée, les Chinoises sont souvent en retrait. «Tout cela est appelé à changer, mais plusieurs femmes portent tout de même les traces de cette situation d’infériorité. C’est important de leur redonner une parole et d’ainsi leur permettre d’exprimer leurs préoccupations», croit Christine Brault.

Avec ce projet, elle compte d’ailleurs s’adresser aussi aux mères québécoises qui ont adopté des Chinoises pour réfléchir avec elles sur la transmission de la culture d’origine de leur enfant. De cette façon, le projet De Chinoises à Québécoises est ouvert à toutes celles qui désirent s’intégrer et participer à la vie culturelle d’ici. Et selon Christine Brault, elles sont de plus en plus nombreuses à vouloir le faire.

* Projet soutenu dans le cadre du Programme de partenariat culture et communauté.