DARE-DARE : tisser des liens au square Cabot |
Depuis 1985, le centre d’art multidisciplinaire DARE-DARE se démarque en présentant des oeuvres hors des circuits traditionnels que sont les galeries. En plus de rejoindre des publics multiples, ces projets interviennent de manière créative dans l’espace urbain. L’audace et l’originalité de la programmation de DARE-DARE lui a d’ailleurs valu le titre de finaliste au Grand Prix du Conseil des Arts pour l’année 2008.
Il y a quelques années, le centre poussait plus loin son champ d’action en art public en quittant définitivement la galerie où il avait pignon sur rue pour s’établir dans des abris mobiles dont la localisation change à tous les deux ou trois ans. Après avoir squatté le square Viger et un parc du Mile-End, DARE-DARE s’est installé en juillet dernier au square Cabot, à l’angle des rues Atwater et Sainte-Catherine.
L’enracinement dans ce nouvel environnement correspond au troisième volet de Dis/location : projet d’articulation urbaine. Avec ce projet, DARE-DARE poursuit sa mission d’éducation dans le contexte particulier du square Cabot.
Afin de bien cibler ses actions, le centre a d’abord établi des liens avec les organismes communautaires du quartier et avec ses principaux acteurs.
«Le square voit défiler une faune bigarrée. Il y a des femmes inuit aux prises avec l’itinérance et la toxicomanie implantées dans le quartier depuis longtemps, des étudiants et des travailleurs de passage, des patients de l’hôpital de Montréal pour enfants, des consommateurs qui affluent vers les commerces environnants, décrit Julie Châteauvert, coordonnatrice de DARE-DARE. L’atmosphère du lieu teinte évidemment notre manière d’y intervenir».
Après cette période d’exploration du nouveau site, des membres de DARE-DARE ont mis sur pied des ateliers de sensibilisation aux nouvelles pratiques artistiques qui s’adressent aux publics hétérogènes gravitant autour du square*. Ces ateliers sont construits à partir des projets diffusés par DARE-DARE : performances, installations in situ et art relationnel. Dans un esprit de collaboration, les participants seront également invités à mettre la main à la pâte en réalisant des projets d’art public. L’événement Off Biennale de Montréal, qui se tient dans le square Cabot en mai 2009, est une formidable occasion pour les gens du quartier de s’initier aux interventions artistiques de DARE-DARE dans un cadre festif.
Point de rencontre
Point de rencontre** est le premier projet diffusé par DARE-DARE au square Cabot. Pendant deux semaines, du 1er au 15 août 2008, l’artiste d’origine brésilienne Giorgia Volpe s’est installée au cœur du tumulte urbain pour tresser un grand tapis à partir de sacs en plastiques recyclés. Si le matériau utilisé faisait un clin d’oeil à la société de consommation, la technique de tressage, bien connue des grands-mères québécoises, éveillait à son tour la mémoire collective.
«Transféré dans un contexte public, le tressage, travail silencieux et souvent oublié parce qu’effectué derrière les portes closes, gagne une autre dimension. La routine quotidienne du tressage intervient dans le quotidien des passants, accroche leur regard, et les petits gestes répétés prennent alors un caractère monumental», explique l’artiste.
En même temps qu’elle tressait le tapis, Giorgia Volpe tissait des liens tant avec les passants qu’avec les différentes communautés ethniques qui se rassemblaient dans le square. «Les femmes inuits, qui nous guettaient d’abord du coin de l’œil, se sont reconnues dans ce travail manuel traditionnel. Elles se sont tranquillement appropriées le projet. Elles m’aidaient d’ailleurs à déplacer le tapis dans l’ancien Forum les jours de pluie», raconte-t-elle, ravie par son expérience.
L’intervention de Giorgia Volpe a donné lieu à des moments magiques, comme si le tapis avait ouvert un espace de liberté dans le square. Un homme s’y est installé pour raconter spontanément une touchante histoire de vie, des gens s’y sont assoupis, un magicien y a improvisé un spectacle pour les enfants, un grand chef amérindien s’y est installé pour jouer du tambour en invitant son public à danser autour du tapis.
Point de rencontre a créé un tissu social fait d’échanges, de croisements et d’opportunités saisies au vol qui se sont concrétisés en un grand tapis de près de 5 mètres. Giorgia Volpe ne compte pas arrêter là son parcours puisqu’elle compte maintenant voyager avec son «tapis magique» aux quatre coins du Québec.
*Projet soutenu dans le cadre du Programme montréalais d’action culturelle
** Projet soutenu dans le cadre du Programme de partenariat culture et communauté