ERRANCES CARTOGRAPHIÉES : SUZANNE JOOS |
J’arrive au Centre culturel et communautaire Henri-Lemieux de LaSalle un peu trop à l’avance. L’exposition Territoires réinventés : cartographies non-cartésiennes de Suzanne Joos ouvre ses portes dans une vingtaine de minutes. Le soleil qui plombe et la proximité des berges me persuadent d’aller me balader autour du Centre, en attendant. Je sillonne les rives du fleuve et ses rapides qui bordent un quartier résidentiel paisible.
À l’entrée de la salle d’exposition, le texte d’intention de l’artiste, avec ses cartographies méticuleusement élaborées, « invite le spectateur à se perdre dans [s]es errances et pertes de repères ». Les murs de la galerie sont tapissés de plans aériens colorés. Ils encerclent une table de travail sur laquelle est déroulée une carte qui esquisse une partie de l’île de Montréal. Rappelant à la fois un espace d’atelier et un centre de documentation, l’exposition se déploie en quatre corpus d’œuvres qui (re)tracent chacun à leur manière les déambulations de l’artiste montréalaise dans la métropole. Par le biais de son propre langage pictural – au sein duquel se juxtaposent des lignes, lettres, dates, chiffres et motifs aux tampons encreurs –, Joos développe ainsi depuis des années des cartes géographiques fictives inspirées de ses flâneries.
Ce qui semble être, à première vue, une représentation réelle de certaines portions de Montréal consiste en fait en des espaces construits de toutes pièces par l’artiste qui puise dans sa mémoire et dans son imaginaire. Joos procède ainsi à des (ré)interprétations poétiques du territoire. Vidées de repères géographiques réels, ces cartes sont détournées de leur usage premier. Qu’elles soient affichées au mur, partiellement déroulées sur la table ou tracées littéralement sur le mur, les cartes deviennent un canevas qui nous pousse à la découverte de nouveaux lieux, oscillant entre le réel et la fiction. Malgré leur fixité, ces cartographies rendent toutefois compte d’un processus de création qui prend vie dans le mouvement. Ce qui est intangible, invisible à l’œil du spectateur – à savoir, les nombreuses heures passées par l’artiste à déambuler –, réussit cependant à percer le papier.
La série à l’aquarelle Errer le long des rives (2017) nous permet d’ailleurs particulièrement bien, à mon avis, d’accéder à cet état du corps et de l’esprit de l’artiste flâneuse. Faisant écho aux mouvements aquatiques du fleuve, ces œuvres – aux traits fluides et aux couleurs pastelles – sont en fait inspirées d’une promenade de l’artiste au Parc des Rapides, situé à l’arrière du Centre. À cet endroit bien précis où, une heure plutôt, je m’étais moi même surprise à errer.
Suzanne Joos – Territoires réinventés : cartographies non-cartésiennes
Du 8 juin au 11 août 2017 au Centre culturel et communautaire Henri Lemieux, Arrondissement LaSalle.
L’exposition est présentée dans le cadre de l’événement Un million d’horizons du réseau Accès culture pour souligner le 375e anniversaire de Montréal.
Commissaire invitée : Nathalie Bachand
Le projet bénéficie du soutien du ministère de la culture et de la Ville de Montréal dans le cadre de l’Entente sur le développement culturel de Montréal.
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Détentrice d’une maîtrise en histoire de l’art de l’UQAM (2016), MARIE-ÈVE LECLERC-PARKER est une travailleuse culturelle et auteure de la relève. Ces dernières années, elle a travaillé auprès de plusieurs centres d’artistes dont Arprim, centre d’essai en art imprimé et DARE-DARE, ainsi qu’au sein d’événements culturels comme la RIPA (Rencontre interuniversitaire de performance actuelle).
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